Rapport V-Dem 2025 : analyse du classement de la Côte d’Ivoire

Dans le rapport V-Dem 2025, la Côte d’Ivoire est classée comme un régime autocratique électoral, avec une tendance à la régression démocratique sur plusieurs indicateurs clés, notamment la liberté d’expression, l’indépendance judiciaire et l’autonomie des organes de contrôle. Le pays n’apparaît pas dans les 10 premières démocraties africaines selon l’indice de démocratie électorale ou libérale.
Comparaison avec les pays de l’UEMOA, de la CEDEAO et de l’Union africaine
Au sein de l’UEMOA :
• Le Bénin est mieux noté malgré ses reculs récents.
• Le Sénégal, historiquement mieux classé, est en recul en raison de tensions politiques en 2023-2024.
• La Côte d’Ivoire se situe dans le bas du classement régional, au même niveau ou légèrement en dessous du Burkina Faso en dépit de la situation sécuritaire de ce dernier.
Dans l’espace CEDEAO :
• Le Ghana reste la démocratie la plus stable.
• Le Nigeria devance aussi la Côte d’Ivoire, malgré ses problèmes de gouvernance.
Au niveau de l’Union africaine :
• Le Tchad, le Cameroun, ou la RDC, tous considérés comme autocratiques ou en transition, apparaissent parfois mieux notés que la Côte d’Ivoire sur certains critères, ce qui interroge la cohérence du classement .
Est-il pertinent que le Tchad, le Cameroun ou la RDC devancent la Côte d’Ivoire ?
Sur le plan empirique, il est contestable que ces trois États, dirigés par des régimes militaires ou fortement autoritaires, soient mieux classés que la Côte d’Ivoire.
Le Tchad est une junte militaire qui s’est maintenue avec des élections , le Cameroun vit sous un régime hyper-présidentiel sans alternance depuis 1982, et la RDC connaît des atteintes aux droits humains et des élections souvent contestées.
Cela soulève donc la question de la pertinence des indicateurs utilisés, et de l’équilibre méthodologique.
Tendances par rapport aux années précédentes
Comparée aux éditions antérieures du rapport V-Dem, la Côte d’Ivoire connaît en 2024-2025 une stagnation ou un léger recul, particulièrement dans les domaines de :
• la pluralité médiatique,
• la transparence électorale,
• la liberté académique.
L’évolution depuis 2010 montre un rebond démocratique post-crise, puis une érosion progressive depuis 2016-2018, confirmée en 2020 et en 2025.
Limites méthodologiques du rapport V-Dem
Le rapport lui-même reconnaît que seulement 3 % des données brutes sont collectées directement en Afrique, ce qui crée un déséquilibre statistique et géographique significatif. Les évaluations reposent souvent sur des panels d’experts limités, parfois extérieurs au contexte local. La pondération de certains critères (liberté académique vs violence étatique) n’est pas toujours contextualisée. Cela explique en partie les classements surprenants de certains pays africains .
Le classement de la Côte d’Ivoire dans le rapport V-Dem 2025 doit être pris avec précaution, ce qui n’est pas pris en compte par le Monsieur Thiam Tidjane qui lui a accorde un écho et un crédit immenses sans prendre des gants. Bien qu’il évoque des défis démocratiques réels, notamment en matière de libertés publiques et d’institutions indépendantes, certaines comparaisons avec des régimes comme ceux du Tchad, du Cameroun ou de la RDC posent question. Ces incohérences traduisent en grande partie les limites méthodologiques d’un outil de mesure global appliqué à des réalités locales très hétérogènes.
Oupoh Laurent
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