Le Nouveau Réveil en service commandé par le tribalisme.

4 juin 20254 min de lecture
Le Nouveau Réveil en service commandé par le tribalisme.

« Que veut le RHDP à la Côte d’Ivoire ? » demande en rouge tonitruant le Nouveau Réveil du 3 Juin 2025, comme si l’on assistait à une invasion étrangère plutôt qu’à une compétition démocratique.

A lire cette une, la Côte d’Ivoire n’est plus un État, mais un héritage clanique menacé d’extinction dont seules, quelques élites autoproclamées auraient le droit d’assurer la garde.

Le ton est grave, les mots sont ciselés comme des flèches, mais ce n’est pas l’indignation démocratique qui y chante. C’est une plainte tribale qui travestit un échec politique en rituel national.

Le journal ne s’interroge pas, il accuse. Il ne commente pas, il martèle. Son rôle n’est plus d’informer, mais d’instituer un procès permanent où la majorité élue serait, par définition coupable d’exister.

Le RHDP n’est pas critiqué pour sa gestion ou pour ses choix politiques, mais pour l’audace d’exercer le pouvoir d’Etat.

Ainsi, le message du journal en filigrane est clair : « Cette Côte d’Ivoire ne nous appartient pas ».

Le folklore se transforme en programme politique

Dans les articles intérieurs on y évoque les Dozos, les peuples Sah, la région du Gboklé, comme autant de sanctuaires blessés par la profanation d’un ordre nouveau.

Mais de quelle République parle-t-on au juste ?

Celle qui s’organise autour d’institutions républicaines, de règles électorales validées par référendum et appliquées en toute transparence, ou celle qui se cristallise autour de mythes lignagers, de fidélités coutumières et de souffrances sacralisées ?

Ce journal ne défend pas la démocratie, il convoque des identités, ravive des blessures et brandit des symboles.

Les Dozos apparaissent comme une métaphore d’ancrage politique et culturel, un appui symbolique à la stabilité portée par le pouvoir actuel .

Le peuple Sah n’y apparaît pas comme un corps électoral, mais comme un oracle outragé.

Cette tribune se transforme en théâtre antique, où les divinités locales défient les lois républicaines.

Malheureusement au PDCI, l’on pleure, non sur l’absence de programme, mais sur l’absence d’un chef coutumier au sommet de l’État.

L’échec du meeting travesti en douleur collective.

Le journal, dans un sublime retournement, transforme l’échec de mobilisation en cri d’alarme : « Le peuple dit non à la forfaiture », alors que le même peuple, manifestement, ne s’est pas déplacé. Une ironie tragique.

À la CAP-CI, l’absence est devenu une preuve de présence, le silence, lui devient parole politique. Voilà une démocratie qui ne comprend pas le scrutin, mais honore les incantations. On ne vote pas : on ressent. On ne propose pas : on récite les blessures du passé. L’absence de foule devient la preuve silencieuse d’une injustice prétendument indicible.

Le Nouveau Réveil cherche la nostalgie d’un pouvoir révolu

Ce journal ne se bat pas pour le pluralisme. Il se bat pour une mémoire. Pour un ordre ancien, où le pouvoir se transmettait entre initiés, entre « grands noms ».

Son combat n’est pas juridique, il est émotionnel. Le problème n’est pas que Thiam, Gbagbo ou Blé Goudé soient exclus, c’est qu’ils aient pu être contestés. Le fait que la CEI ne valide pas leur retour dans le jeu politique , c’est forcément que la loi est injuste ou pire : elle est manipulée.

Le Nouveau Réveil pleure parce que les règles ont été respectées, mais pas le mythe.

Cependant qu’il apprenne. L’État fonctionne, mais pas la légende. On crie au scandale parce qu’il est plus facile de dire que la démocratie est morte que d’admettre qu’on a perdu le terrain.

La démocratie n’est pas une veillée funèbre

Cette édition n’est pas un journal, c’est un requiem. Elle pleure un passé politique qui ne reviendra pas, mais tente de convaincre le lecteur que l’avenir est forcément une imposture.

Elle oublie une vérité fondamentale. La démocratie ne s’écrit pas à la première personne du pluriel nostalgique. Elle s’écrit au présent, avec des projets, des électeurs, des institutions.

La Côte d’Ivoire dont parle Le Nouveau Réveil n’est pas celle des urnes, mais celle des urnes funéraires. Une Côte d’Ivoire mémorielle, sacrée, douloureuse mais figée.

Or, la démocratie n’est pas une crypte. Elle avance, même sans ceux qui s’y refusent.

C’est peut-être là, le vrai drame que ce journal refuse de dire : ce n’est pas le RHDP qui leur vole la Côte d’Ivoire, c’est le temps.

Kalilou Coulibaly, Doctorant EDBA , Ingénieur.

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